collectif GRENOBLE

Maryse a 60 ans. Après avoir du abandonner son dernier travail pour se faire opérer, quelques passages aux urgences pour problèmes cardiaques,  une pancréatite aigüe et une très grande fatigue, elle avait fini par demander une retraite pour inaptitude physique...

Elle n'en pouvait plus, Maryse, des petits boulots, des déménagements, des combats quotidiens pour survivre,des périodes de chômage indemnisées puis non indemnisées ;  puis elle revenait à son unique pension de réversion.

Après 5 mois d'attente d'une réponse de la CRAM et de la CPAM, on lui avait dit qu'elle n'avait pas droit à la retraite à taux plein qu'elle aurait pu avoir. Et pas assez de trimestres non plus pour avoir une retraite convenable, donc on lui a signfié qu'elle devait attendre 65 ans...

"C'est gentil de me dire d'attendre mais sans travail, sans revenus suffisants pour vivre, j'attends quoi ? La fin ?..." se dit Maryse. Elle avait beau remettre de l'énergie dans de nouveaux projets, faire des formations, chercher  des moyens de gagner sa vie honnêtement, l'argent ne rentrait toujours pas. 

 

 

7ff24fb2

 

 

Elle avait fini par trouver un employeur qui lui proposait de faire des formations pour des aides à domicile. Mais il ne voulait pas la salarier, prétextant que c'était trop cher pour lui...

Elle pris donc le risque de se mettre en "auto entrepreneur", c'est à dire d'être son propre employeur. Ils disaient que c'était facile de s'inscrire, de faire des factures et de tenir une comptabilité simple.

Elle sentait bien qu'il y avait de l'arnaque là dessous mais elle n'avait pas le choix. Elle voulait travailler et gagner de quoi vivre. 

Alors elle s'inscrivit à l'URSSAF. Effectivement, c'était facile de s'inscrire ! Mais ensuite les ennuis allaient commencer. Elle n'avait plus droit à une sécurité sociale des salariés. Il fallait attendre les papiers de l'URSSAF, puis de lNSEE, et enfin du RSI. Cela mit quatre mois pendant lesquels elle ne put se soigner, n'ayant plus de droits à la CPAM et pas encore à la RAM, sécurité sociale des indépendants...

 

Dans la salle d'attente bondée de la CAF, Maryse pleurait, elle ne pouvait pas retenir ses larmes...Ce matin, quand elle avait vu ces deux enveloppes de la CAF, elle avait craint le pire. Elle les ramassa dans le couloir de son immeuble (pas de boîte à lettres, juste un trou dans la porte de la vieille maison).

Quand elle ouvrit le premier courrier et qu'elle lut :" vous êtes travailleur indépendant depuis octobre, vous avez  touché tant d'APL alors que vous n'y aviez pas droit: vous nous devez 301 euros !..."

Ce fut un premier coup,  puis le deuxième courrier disait : "compte tenu de vos ressources vous n'avez plus le droit à l'APL en 2012 "!

C'était la goutte d'eau ! "Pourtant ma déclaration de ressources était de  1000 euros par mois, et là, je suis devenue riche ???" s'exclama-t-elle, incrédule.

Ce n'est pas possible, le peu que je tente de gagner d'un côté, je le perds de l'autre. C'est incroyable ! Et le fait d'être en auto-entreprise ne veut pas dire que je gagne ma vie ! Mon employeur me doit de l'argent il n'a pas payé la facure de mes prestations du mois dernier ! Et on me réclame un trop perçu ?

Elle pleurait toutes les larmes de son corps, de découragement, devant cette machine administrative absurde ....

On nous taxe de fraudeurs mais quand on déclare honnêtement tout, on se retrouve à la rue !.Et les employeurs qui ne payent pas, eux, il sont pas fraudeurs ???

 

Elle voyait tous ses rêves d'autonomie s'effondrer. Justement, ce mois-ci son "employeur" (qui ne l'était pas), lui avait annuler 8 journées de travail et n'avait pas payé sa dernière facture : elle avait dû avancer les frais de route et en plus elle devait réclamer son paiement, un mois après avoir donner ses cours !

Cétait trop ! la goutte d'eau...

Elle vit son nom sur le tableau numérique de la salle d'attente de la CAF, elle se dirigea vers un bureau vitré, toujours en pleurs.

" Excusez moi, dit elle, mais si vous receviez de tels courriers, vous sentiriez quoi vous ?" dit-elle à la jeune femme derrière le bureau, en lui tendant le document.

Heureusement, cette employée-là était compatissante, et malgré sa surprise, elle répondit à Maryse, "oui je me sentirai en colère moi aussi, ... mais c'est ainsi, vous avez changé de statut, vous êtes travailleur indépendant et avant, vous étiez au chômage sans allocations, alors vous aviez le maximum et maintenant... "

Ces explications ne changeaient pas grand chose au sentiment d'injustice que ressentait Maryse. Mais au moins, elle avait été traitée en être humain, ce qui n'était pas toujours le cas dans les administrations.

 

Pourtant, ele avait prévenu de son changement de statut dès son inscription et n'avait pas obtenu de réponse  pour savoir si cela changerait le montant de son allocation. Ils avaient attendu 3 mois pour lui signifier ce nouveau taux et lui demander de rembourser un trop perçu...

Maryse constatait que les admnistrations étaient de plus en plus lentes et que les réponses vitales pour elle comme pour tous ceux qui avaient besoin de ces prestations pour survivre devenaient de plus en plus difficles à obtenir dans des délais acceptables... 

Elle se sentait écrasée par un système qui ne fonctionnait plus normalement, et pensait comme beaucoup que c'était certainement voulu par ces messieurs de l'ENA, ceux qui ne connaissaient pas le prix des pâtes ni d'une baguette de pain, ceux qui ne savent ce que c'est que de galérer avec moins de 1000 euros par mois, ceux qui sont tranquillement assis sur leur fauteuil de cuir et décident que tous les demandeurs de prestations sont des fraudeurs !... 

Elle avait tout essayé, travailler avec de petits salaires ne suffisait pas pour pouvoir payer son loyer et ses charges,  vivre des prestations n'était pas supportable, et sa santé se détériorait. GISANTpeinture

Plus elle avançait vers l'âge de la retraite "à taux plein" (et ça lui ferait encore moins de 1000 euros tous revenus confondus !) plus elle désespérait de s'en sortir un jour...

"Peut-être qu'ils font ça pour que je meurs avant, comme ça ils ne me la paieront pas, la retraite !"... disait Maryse en essayant de garder un peu d'humour face au désespoir ambiant...

L'employée lui dit à mi mot qu'elle ferait mieux de revenir au statut précédent si elle voulait bénéficier à nouveau de son allocation...Cela voulait dire, vivre avec 600 euros de revenus et ne plus bouger, ne plus chercher de travail, ne pas travailler "au noir" non plus, ...Crever de faim alors ???? C'est ça la solution ? Et ma volonté d'essayer de m'en sortir dignement, alors ? Qu'en fait-on ?

Maryse ressemblait à Sisyphe, roulant chaque jour son gros rocher jusqu'en haut de la montagne et le voyant retomber inéluctablement en bas, malgré ses efforts...

 

 

  FD décembre 2011 Sisyphus.gif

  article auto entreprise:

http://www.bastamag.net/article2094.html

 

 

 

 

 

Retour à l'accueil